Bonjour,
Toutes les 2 semaines, je décrypte pour vous l’actualité économique, géopolitique et sociale pour vous apporter des clés de lecture utiles pour nourrir vos copies en prépa. Au programme cette semaine : le Métavers.
Bonne lecture… et si vous aimez, n’hésitez pas à partager.
Stephan Bourcieu,
Docteur en Économie / Influenceur dans le monde des Grandes Écoles
Directeur général de BSB
Snoop Dogg, un schtroumpf et le logo Adidas qui clignote. Bienvenue dans le métavers The Sandbox, un des univers du web3 les plus aboutis ! Vous ne connaissez pas encore ? Vous faites partie des 92 % de Français qui n’envisagent pas vraiment de créer leur double numérique1 ? Faisons tout de même quelques pas dans le bac à sable, histoire au moins de comprendre pourquoi Carrefour, Axa, Gucci et les autres ont déjà installé leurs pelles et leurs seaux.
Disons que c’est un super jeu vidéo en réalité augmentée. Un jeu dont je suis le héros. Mais comme je suis dans le web 4.0, dans ce jeu, il y a aussi d’autres joueurs qui sont aussi les héros.
C’est comme ça le métavers. Nous sommes tous des héros. Nous vivons des aventures formidables. Ou pas. Si je préfère m’isoler le reste de mes jours (virtuels) sur une île paradisiaque, je peux ! Si je préfère visiter tous les musées du monde en 24 heures, je peux. Conduire une réunion Teams avec des vraies gens qui bougent et écrire au tableau, je peux !
Mais surtout, je peux jouer. N’oublions pas que la plupart des métavers ont été créés par des acteurs du jeu vidéo. The Sandbox, toujours lui, revendique 2,5 millions d’utilisateurs. Roblox, un autre métavers, attirerait 43 millions de personnes chaque jour2.
Allez, on chausse les lunettes qui vont bien et on explore…
Les créateurs de métavers sont rarement des inconnus. Facebook, devenu Meta pour l’occasion (Horizon World), et Amazon (New World) sont aussi de la partie. Leur approche combine l’invitation dans leur métavers et la vente du casque de réalité virtuelle pour profiter à fond de la visite. Les GAFAM dépensent des milliards d’euros pour rattraper The Sandbox, Roblox, Fortnite et Minecraft, crédités d’une longueur d’avance.
Avec chacun sa spécialité. En 2020, Fortnite avait ouvert le bal avec un concert de 9 minutes du rappeur américain Travis Scott. 12 millions de joueurs/spectateurs auraient assisté à l’événement ! The Sandbox, c’est plutôt l’immobilier. Des parcelles de métavers sont en vente, payables en sand. La cryptomonnaie sert aussi bien sûr à acheter des vêtements, des objets ou un billet de concert.
Ah oui, très important. Une autre façon d’envisager les métavers, et au passage de comprendre pourquoi les géants GAFAM et autres y mettent autant d’argent, c’est de regarder les métavers comme des centres commerciaux. Je peux m’y promener, m’y abriter de la pluie, m’asseoir sur un banc et même profiter gracieusement de certaines animations.
Mais si je veux vraiment participer à la société de consommation, il faut que je dépense de l’argent. Eh bien figurez-vous qu’un métavers, c’est pareil. Pour que ce soit vraiment intéressant, comme souvent d’ailleurs dans les jeux vidéo les plus élaborés, il faut que j’achète. C’est ce qu’on appelle le play-to-earn. Je joue, je gagne et je dépense l’argent gagné (de toute façon inutilisable ailleurs) dans le métavers. Et si je veux aller plus vite ou si je ne suis pas très doué comme joueur, j’achète avec de l’argent que j’ai gagné à l’extérieur. Mon argent, quoi.
J’achète aux mêmes acteurs que dans la vie réelle. Un équipement pour améliorer mon expérience de joueur, des chaussures de sport, une robe haute-couture et même des terrains, donc.
Et c’est là que l’on retrouve les 200 marques qui ont investi dans The Sandbox. Elles ont, par l’intermédiaire d’agences de communication spécialisées, acquis une parcelle. Ou plus souvent louent des espaces (on parle de 100 000 euros pour accéder à un centre de 10 magasins et un loyer mensuel de 1 000 euros2). Et reversent 5 % de la valeur des transactions à l’opérateur du métavers.
Un métavers, c’est finalement un genre de Monopoly sans limite, en trois dimensions, en multimédia, où l’on joue avec son propre argent. Rendez-vous sur la case Départ ! Sur Roblox, accessible sans frais à l’entrée, vous avez le droit de disposer gratuitement d’un avatar habillé et équipé au minimum pour pouvoir disputer les premiers tours de jeu. Après, pour accéder à la Rue de la Paix, il faut soit être un joueur de première force, soit dépenser en moyenne 20 dollars tous les 3 mois pour améliorer l’équipement de son avatar. Et pour imiter Booba ou Paris Hilton et acquérir une villa dans un métavers, plusieurs centaines de milliers d’euros risquent d’être nécessaires. Un métavers, c’est un univers virtuel qui garde le sens des réalités !
Observons que le métavers ne nuit pas au bien-être. C’est un peu comme un Instagram qui bouge. Mon avatar est sans défaut physique, vit des rencontres passionnantes et s’invente une vie de rêve. Tout ce concentré de bonheur est toujours bon à prendre. Mon jardin secret prend avec le métavers une dimension de parc national !
D’un autre point de vue, le métavers, c’est du digital, beaucoup de digital, énormément de digital. Et le digital, c’est polluant. 4 % des émissions de gaz à effet de serre aujourd’hui. Alors, polluer le monde réel pour s’éclater dans le monde virtuel, est-ce vraiment un progrès ?
Dernier point, avant de décider ou non de pousser la porte de l’un de ces temples de la liberté moderne, où tout est permis, c’est justement de prendre bien conscience que tout y permis. Quand on voit la difficulté que nous avons à réguler les réseaux sociaux et à en bannir l’agressivité et les mauvaises manières, voulons-nous vraiment participer à la construction de cette vie rêvée ?
1IFOP - mai 20222Les Échos - mai 2022
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